Intervention de Mathilde VANDORPE
Mme Mathilde Vandorpe (cdH). – La mixi- té ne concerne pas uniquement notre gouverne- ment. Elle relève de la responsabilité de tous. Les clichés ont malheureusement la dent dure. Ils tra- versent toutes les catégories sociales et se retrou- vent dans tous les secteurs. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes dans la police ou dans l’armée? Pourquoi les femmes perçoivent-elles en moyenne des salaires inférieurs à ceux des hommes? Ces questions se posent encore à l’heure actuelle, même si on y est confronté depuis un certain temps.
Je m’attarderai un peu sur l’exemple du sport. Nous pensons tous qu’il doit être accessible à tous. Que ce soit à l’échelle d’une fédération, d’un club ou de n’importe quelle discipline, une fille ou un garçon ne peut pas être confronté(e) à des barrières qui l’empêchent de se réaliser. C’est un combat que nous devons tous mener, à la fois sous nos casquettes de mandataires politiques, mais également dans nos implications respectives en tant que membres d’associations, en tant que parents, bref en tant que citoyens.
Monsieur le Ministre, la politique sportive est un levier par lequel vous pouvez faire évoluer les mentalités et contribuer à mettre fin à certains stéréotypes d’un autre âge. Mais malgré votre volonté et votre soutien sans faille, les résultats de ces impulsions sont parfois aléatoires.
Prenons, par exemple, le sport de haut ni- veau. Financer des contrats de sportifs pour leur permettre de se consacrer entièrement à leur disci- pline ou augmenter les budgets dévolus aux Jeux olympiques est bien sûr à saluer. Par contre, tous ces moyens n’impliquent pas nécessairement que les résultats soient au rendez-vous. Pour peu que l’une de nos élites s’illustre dans sa discipline, aux JO ou ailleurs, comme ce fut le cas de Justine Henin dans les années 2000, nous connaîtrons probablement une augmentation subite de voca- tions féminines pour ce sport et le pari sera réussi.
Je me permets de faire un peu de sous-localisme en espérant un beau succès en natation, Fanny Lecluyse obtenant des résultats formidables.
Prenons un autre objectif de votre politique, celui de l’accès au sport pour tous. Nous savons combien la pratique sportive est vecteur de bien- être, notamment en termes de santé et d’intégration. Cela dit, si une femme va courir sur le temps de midi, si une maman enfourche son vélo le week-end ou se rend en soirée dans son club de fitness pour exercer une activité sportive, sa pratique ne fera partie d’aucun référencement dans les statistiques des fédérations sportives et de votre administration. Pourtant, on peut considérer, à travers ces exemples, que les objectifs de votre politique sportive seront néanmoins atteints.
Cela dit, si le manque de mixité n’incombe pas à nos seuls ministres, ils ne doivent toutefois pas y rester indifférents. Et fort heureusement, ils ne le sont pas. Il suffit d’effectuer une petite re- cherche pour se rendre compte que la promotion du sport féminin, pour ne prendre que cet aspect des choses, est, depuis un certain temps déjà, une des priorités du gouvernement. Ce travail n’a d’ailleurs pas été vain puisque, sous la législature précédente, le pourcentage de sportives a augmen- té de plus de 20 %. Loin de se contenter de ces premiers résultats, le gouvernement a remis cet objectif à son agenda au travers de la DPC et, notamment, du colloque que nous avons évoqué.
Nous nous posons donc tous, aujourd’hui, la question de savoir comment améliorer davantage la situation. Pour mon groupe, la mixité ne se dé- crète pas et ne doit pas être imposée du haut vers le bas. Au contraire, elle doit reposer, d’une part, sur une expertise et, d’autre part, sur le consensus et l’adhésion des acteurs de terrain.
Pourquoi l’expertise? Parce que, comme pour toute politique, on ne peut pas prendre des déci- sions à l’aveugle, sans se reposer sur une vision objective, sur un état des lieux, sur une analyse. Comme je le disais tout à l’heure, les chiffres ont bien entendu leurs limites. Ils ne doivent pas être une fin en soi, mais servir d’indicateurs pour nous permettre de prendre de bonnes décisions.
Dès lors, où en sommes-nous à cet égard? Quels sont les chiffres dont vous disposez, tant à l’échelle globale que par fédération, et quels manques éventuels devons-nous combler pour avoir une vue d’ensemble correcte de la mixité dans le sport?
L’expertise se trouve aussi au sein de vos services. Comment l’ADEPS travaille-t-elle pour atteindre cet objectif? Les modèles étrangers peu- vent-ils nous inspirer? Une attention est-elle por- tée à la fréquentation des stages par les filles?
L’expertise, ce sont enfin tous les interve- nants qui se sont exprimés lors du colloque. Quelles sont les pistes permettant d’améliorer la situation qu’ils vous ont suggérées à cette occasion?
L’autre facette d’une politique sportive réussie est, commeje l’ai dit, le consensus et l’adhésion des acteurs de terrain. Pour le cdH, vouloir apporter davantage de mixité dans le sport en imposant de manière unilatérale à toutes les fédérations sportives les mêmes recettes est une ineptie. La gymnastique a des besoins différents de ceux du hockey. La fédération de basket est peut-être plus loin dans sa réflexion et dans l’intégration de ses sportives que ne l’est celle de football. Bref, invitons les fédérations sportives à nous soumettre leur analyse, leur manière de voir les choses, pour améliorer la mixité.
Vous vous êtes plusieurs fois exprimé, en commission, sur un appel à projets allant dans ce sens. À qui va-t-il être envoyé? Quelles sont les demandes qui y figurent? Quels montants envisa- gez-vous d’y consacrer? Comment les fédérations sportives réagissent-elles face à ce souci de votre part de promouvoir le sport féminin? Y a-t-il des freins auxquels vous êtes confrontés?
Jusqu’où faut-il pousser la mixité? Nous connaissons tous les doubles mixtes en tennis. Nous avons pu découvrir, depuis quelque temps, les duos garçon/fille dans la natation synchroni- sée. Le kin-ball est, quant à lui, un sport qui se prête parfaitement à la mixité et à l’esprit de fair- play. Faut-il absolument inviter chaque sport à créer des équipes où se côtoient garçons et filles ou faut-il favoriser des compétitions unisexes? Si je prends l’exemple du basket, que j’ai pratiqué pendant quinze ans, beaucoup sont d’accord pour dire que ce sport est différent s’il est pratiqué par des hommes ou par des femmes.
Je conclurai simplement avec ces questions globales: où en sommes-nous actuellement et que comptez-vous faire demain pour amener plus de mixité dans le sport?
Réponse du Ministre René COLLIN
M. René Collin, ministre des Sports. – La politique sportive de la Fédération Wallonie- Bruxelles porte plusieurs ambitions. Il y a l’ambition d’amener davantage de demoiselles et de dames vers le sport, j’y reviendrai à l’aide de statistiques. Il y a la question fondamentale de l’égalité, à propos de laquelle trois éléments sont à rappeler – M. Lefèbvre y a fait allusion –: l’inégalité de traitement salarial, qui est intolé- rable; l’inégalité de visibilité et de médiatisation; l’inégalité au niveau des responsabilités. À cet égard, la Fédération Wallonie-Bruxelles a déjà fait œuvre utile puisque le décret du 8 décembre 2006 prévoit que le conseil d’administration d’une fédé- ration reconnue ne peut comprendre plus de 80 % de membres du même sexe, avec des possibilités de dérogation.
Les statistiques démontrent aussi qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour l’égalité dans les contrats de sportifs de haut niveau. Un travail de fond a permis un certain progrès: on dénombre 21 sportives dans les 86 contrats de sportifs de haut niveau à la fédération. Et pourtant, on constate une réussite croissante dans le sport féminin. À côté des athlètes, il y a aussi des diri- geantes et des directrices techniques des fédéra- tions de très grande qualité.
Le nombre de pratiquantes sportives est lui aussi en progrès – Mme Vandorpe y a fait allu- sion –: en 2006, on comptait 149 964 femmes affiliées dans les fédérations et clubs sportifs, ce qui représente 35 % de l’ensemble des affiliés. Au 1er janvier 2015, il y en avait 188 944, ce qui re- présente 38 % des affiliés, c’est certes mieux en termes absolus et proportionnels. Pour la natation, l’égalité est parfaite puisqu’il y a 50 % d’affiliées et 50 % d’affiliés parmi les 21 003 nageurs et nageuses.
Certaines disparités peuvent se comprendre: les sports équestres comptent 81 % de sportives et la gymnastique 76 %. Dans le football ou le rugby, les proportions sont spectaculairement inversées: 96 % d’hommes dans le football, 85 % d’hommes dans le tennis de table, 67 % d’hommes dans le tennis.
Voilà pour ces quelques chiffres. Certaines réflexions doivent se poursuivre, notamment par rapport à la mixité et aux décisions à prendre qu’il faudra soit imposer, soit instaurer par la concerta- tion. En ce qui concerne le colloque qui a été or- ganisé, je relèverai un exemple français qui a été cité, celui de la mixité des vestiaires dans l’athlétisme français. De nombreuses personnes ont pointé les problèmes, notamment de mœurs, qui ont entaché la réputation de l’athlétisme fran- çais, parfois même avec la complicité présumée de certains entraîneurs. Il faut donc aussi parfois avancer avec prudence.
Des progrès doivent être faits, notamment au niveau des adolescentes, mais c’est un dossier dans lequel il faut avancer de manière progressive, en tenant compte de la problématique de la puber- té. Dans l’opération Mon Club, Mon École, on a voulu favoriser les jeunes filles des deuxième et troisième degrés du secondaire parce qu’il s’agit d’un niveau où il y a assurément une sensibilité toute particulière.
En ce qui concerne le financement des activi- tés sportives réservées aux femmes, nous devons améliorer les choses au niveau des investisse- ments. Si l’on prend l’exemple des infrastructures, les vestiaires pour femmes ne doivent pas être financés, meublés et aménagés de la même ma- nière que les vestiaires pour hommes. Pour revenir sur le cas du sport de rue dont nous avons déjà parlé aujourd’hui, la logique suivie dans l’aménagement de ce sport est très masculine. Une réflexion doit permettre de proposer autre chose que des jeux de ballon ou la pratique du roller ou du skateboard.
S’agissant de la fréquentation des centres ADEPS, la programmation est très largement mixte, mais je pense que nous devons également améliorer les choses. Il faut davantage de passe- relles entre les fédérations sportives, l’enseignement et l’administration générale du Sport. Certaines passerelles existent déjà, mais elles doivent être renforcées pour devenir des lieux de discussion et de progrès. Il faut aussi faire émerger des nouveaux sports dans lesquels les demoiselles et les dames se retrouveront peut-être plus facilement. Enfin, on doit aussi s’attacher à assurer une plus grande égalité de traitement.
Nous allons veiller par ailleurs à ce que les appels à projets qui vont être lancés permettent de faire progresser la promotion du sport féminin dans son ensemble. Dans les contacts que j’ai eus notamment avec la RTBF, j’ai rappelé que le sport féminin doit bénéficier d’une plus grande couver- ture et qu’il ne peut pas se limiter aux deux der- nières minutes du Week-end Sportif. Quand une chaîne diffuse la finale masculine dans un sport comme le hockey, elle doit également diffuser la finale féminine.
Dans les appels à projets spécifiques aux sports féminins qui vont être lancés, je veillerai à ce que l’appel à projets réservé aux fédérations contienne des éléments favorisant la mixité. C’est essentiel, comme le montre le débat d’aujourd’hui. Avec ma collègue Isabelle Simonis, je veillerai à renforcer cette mixité dans toute une série de sports et d’actions de promotion.